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11 février 2011 5 11 /02 /février /2011 14:54

beautéDans le Rwanda ancien, il y avait tout un éventail de produits de beauté. Ainsi comme dépilatoire, les filles et les femmes employaient la terre rouge de termitière (inkurwe). Elles s’en enduisaient régulièrement le front, les tempes et même tout le corps. Elles la laissaient sécher. En se lavant, elle enlevait des poils indésirables. La présence des traces de barbe et de favoris chez une fille n’était pas du tout appréciée et lui faisait honte. Son futur mari pouvait la délaisser pour une autre et même aller jusqu’à divorcer s’il venait à découvrir le défaut. Il en est de même pour celle dont les cheveux descendaient quelque peu au milieu du front. On disait qu’elle était susceptible de provoquer la mort de son mari ou de son premier-né. La présence de cette crête (umukiko) au front et d’une strie entre les seins avait, croyait-on, un pouvoir funeste certain.

L’usage des parfums (imibavu) et des laits corporels (amadahano ou imbiribiri) était d’usage courant dans l’ancien Rwanda. Leur préparation (ukudaha) était l’affaire des spécialistes et requérait beaucoup de patience. Les crèmes de beauté parfumées étaient fabriquées à partir des plantes aromatiques pilées, morceaux de tronc, écorces et graines. La poudre obtenue était mélangée à du beurre de vache étalé sur un tissu au-dessus d’un feu doux fait de bois très fumigène. La fumée passait à travers ce dispositif et l’opération durait à peu près un mois. Le tissu bien imprégné était alors tordu et la crème coulait dans de petits récipients adaptés amacwende, provenant des courges. Le produit obtenu était dispatché dans des petits vases (imikondo) pour des besoins quotidiens. Il avait la faculté d’assouplir la peau et permettait d’éviter l’usage de l’eau à laquelle on avait recours le moins de fois possible pour laisser à la crème le temps d’agir sur le corps. 

La toilette était différente selon les classes sociales. Chez les aristocrates et les nobles, «on se nettoie tout d’abord au beurre ordinaire ; on termine par une onction au beurre parfumé. Autrefois, les femmes et les jeunes filles faisaient un usage fréquent d’isakare, urine fermentée de vieille femme, en friction sur tout le corps, sauf bien entendu sur le visage. La peau rendue nette était passée à la pommade, puis doucement essuyée avec un bout de tissu végétal pour enlever l’excès. Une opération à peu près analogue a lieu chez les paysans Abahutu, les aromates coûteux étant remplacés par des racines parfumées de ronce imikeri ou d’herbes fines de l’Eragrostis flaminggi ou ishinge, ainsi que par le papyrus imfunzo avec de la menthe sauvage et de l’inkurume. On parfume également certains vêtements de peau à l’usage des femmes en les étendant, enduits de beurre, au-dessus des braises avec des aromates, c’est le kwosa » (A. Lestrade, La médecine indigène au Ruanda et Lexique des termes médicaux français-urunyarwanda. Bruxelles, Académie Royale des Sciences Coloniales, 1955, p.7).

La sagesse rwandaise relativise cependant la beauté. La bonté du cœur passe avant la beauté corporelle (ubwiza ni umutima). La beauté naturelle prime sur la beauté artificielle (ubwiza si ubwisize). Tout bel homme qu’il soit a toujours un défaut sur le corps (nta mwiza wabuze inenge) ; la beauté parfaite n’existe pas. La sagesse rwandaise professe même la prudence car la beauté peut cacher beaucoup de tares surtout chez les femmes. Les dictons suivants en donnent des exemples : la couleur jaune éclatante du solampré ne l’empêche pas d’être amer (ubwiza bw’intobo ntibuyibuza kurura) ; il faut se méfier des apparences. La fille à la peau claire, donc belle, peut néanmoins déféquer dans la hutte (inzobe innya mu nzu). Autrement dit, une jolie femme n’est pas nécessairement la plus consciencieuse, la plus propre. Elle n’est pas nécessairement celle qui fait une bonne ménagère.

Gaspard Musabyimana

11/02/2011

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