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25 mars 2011 5 25 /03 /mars /2011 01:42

seins-baluba4--mod.JPGTraditionnellement, la préparation de l’enfant à la sexualité commençait très tôt. Lors de la toilette quotidienne, la mère observait le sexe de son fils qui devait de temps en temps être en érection, signe que l’enfant était sexuellement normal. Sinon les parents commençaient à s’inquiéter d’une éventuelle impuissance de leur fils. En outre, en érection, le pénis de l’enfant devait être bien droit. L’idée était que s’il était recourbé, il aurait de la peine, le moment venu, à pénétrer dans le vagin. Des exercices pour le redresser étaient faits quotidiennement par la mère. Celle-ci veillait également à ce que le gland du pénis de l’enfant soit bien couvert par le prépuce. La verge avec un gland à découvert était dite impare. Elle était qualifiée de tous les sobriquets insultants et avait la réputation d’être jeteuse de guigne. S’il en était ainsi, la mère tirait régulièrement le pli de la peau du pénis dans le but de couvrir le gland.

 

S’agissant de la fille, la mère exécutait, à la même occasion, plusieurs mouvements de bas en haut sur son sexe pour éviter qu’il ne croisse vers le bas, vers l’anus. Car un tel sexe n’était pas apprécié par les hommes. Le sexe idéal était celui dont l’ouverture de la vulve se voyait en grande partie quand la fille était en position debout. Plus tard, les petites lèvres allongées et le clitoris devaient eux aussi s’extérioriser en grande partie. La négligence de cette coutume est exprimée par le proverbe : « Une mère irresponsable rend difforme la vulve de son enfant ».


Le sexe du garçon était testé très tôt dans le souci de s’assurer que sa fonction de reproduction était normale, et donc que la perpétuation du lignage pourrait être assurée. Pour la fille, par contre, on va attendre les manifestations physiologiques de la puberté pour exprimer les mêmes soucis : poussée des seins, menstruation.


La masturbation était fréquente chez les enfants, mais elle était condamnée par les adultes. Les enfants la pratiquaient en cachette. Le garçon jouait avec son sexe en tirant le gland vers les testicules. La croyance populaire était d’avis que, pour hâter la croissance de son pénis et la venue des poils du pubis, le petit garçon devait uriner régulièrement sur de la cendre, ce qu’il faisait avec conviction. Des jeux sexuels étaient courants entre filles et garçons mais ils n’étaient pas pris au sérieux. Une expression rwandaise dit à ce sujet : « effectuer un travail vain comme un enfant qui fait des relations sexuelles avec un autre enfant ».

 

Ces jeux étaient sérieusement réprimés, et d’une façon décisive vers l’âge de huit ans, car la conscience commençait à être éveillée. L’éveil était plus précoce dans certaines familles où les enfants assistaient, d’une façon ou d’une autre, au déroulement des rapports sexuels des parents. L’étroitesse de la hutte familiale, les cloisons intérieures non étanches et, d’une façon générale, la promiscuité dans laquelle vivait la famille, surtout quand elle était pauvre, contribuaient à ce que l’intimité des parents soit vite connue de leurs enfants. M. Vincent (1954, pp.174-175) a recueilli des témoignages concernant l’attitude des parents face à leurs ébats sexuels captés par leurs enfants :


« Oui, ils assistent [les enfants], mais sans rien dire. Les parents tâchent d’éloigner les enfants en les mettant dans un coin de leur maison, quand leur maison est grande. Quand la maison est petite, les enfants entendent toujours s’ils ne dorment pas, surtout quand c’est une femme qui jouit beaucoup. Quand les parents remarquent que leurs enfants saisissent tout à fait ce qu’ils font, ils construisent une petite hutte pour les enfants, s’ils en ont les moyens. Cela va de soi qu’ils entendent, mais ça ne fait rien, ça ne nous fait pas honte. De temps en temps, j’entends les enfants chuchoter, alors je les insulte en disant que je ne veux pas de conversations la nuit. Parfois on les entend tousser, alors nous faisons doucement, parfois les petits pleurent : voyant son père au-dessus de sa mère et celle-ci ne disant rien, l’enfant croit que son père veut étrangler sa mère, mais après, il constate que ça doit être, et puis c’est tout ».


Face à cette situation, les parents réagissaient de différentes façons. L’attitude à adopter variait souvent selon que les familles étaient hutu ou tutsi. Selon M. Vincent (p.181), les Hutu observaient le silence sur la sexualité de leurs enfants. Ils feignaient de l’ignorer et les propos obscènes étaient réprimés. Tandis que dans certaines familles tutsi, « ayant des mœurs plus affranchies », les parents faisaient parfois l’un ou l’autre commentaire plaisant et contribuaient ainsi « à créer dans l’esprit de leurs enfants cette attitude de noble détachement et le sens de la frivolité ».


A l’âge questionneur, les enfants ne manquaient pas de poser des questions embarrassantes sur la sexualité. La plus fréquente, et à laquelle tous les parents avaient la même réponse, était de savoir d’où provenait l’enfant. « L’enfant vient de la bouche », « l’enfant vient du nombril », répondaient les parents à leurs enfants. Le mystère restait entier jusqu’au moment où le jeune homme ou la jeune fille s’initiait en matière sexuelle.


Les enfants, qui partageaient le lit avec les parents depuis la naissance, dormaient seuls sitôt sevrés. Les filles et les garçons, sans distinction de sexe, occupaient un même lit. Le fait qu’ils assistaient aux ébats sexuels de leurs parents a poussé certains chercheurs à conclure qu’il y avait risque de jeux incestueux entre frères et sœurs, lesquels cesseraient vers l’âge de huit ans (L. de Heusch, 1958, p.38). C’est en effet aux environs de cet âge qu’une éducation séparée et spécifique était donnée à l’enfant, surtout à la fille qui se rapprochait de plus en plus de sa mère et des autres filles. Les relations et les contacts avec les garçons étaient de plus en plus limités et contrôlés. Le marquage entre l’enfance et la pré-puberté n’avait rien de spécial chez les garçons.


Dans la tradition, la puberté était notamment connue par les transformations physiologiques chez les enfants. Le trait physiologique qui sonnait une sorte d’alarme chez les parents était l’apparition des poils du pubis. Il plaidait à ce que les enfants, qui jusque là étaient tout nus, commencent à s’habiller pour cacher leur sexe. Ils portaient un pagne qui était un morceau de peau de vache ou de chèvre, selon la richesse de la famille. Le torse restait nu. La fille dont les seins commençaient à pousser n’était gênée en aucune façon. Elle les laissait à découvert mais n’en était pas indifférente, ni elle, ni son entourage. En effet, elle ne pouvait plus se livrer aux jeux des enfants. En sautant ou en courant, elle risquait de balancer ses seins. Elle serait considérée par le public comme mal éduquée.


L’attention, à cette période de la vie, était centrée sur les organes génitaux qui entraient dans leur phase de maturation. La poussée des seins et la menstruation chez la fille étaient de bon augure et des rites spécifiques étaient réservés à ces deux phénomènes. Par contre, la préoccupation était moindre, voire inexistante, concernant les manifestations physiologiques de la virilité chez le garçon, comme la poussée de la barbe ou les premières éjaculations. Alors que le sexe de la fille était modelé, rien d’équivalent n’était prévu chez le garçon. L’on se serait attendu par exemple à des exercices d’allongement du sexe ou à une circoncision, mais rien n’était fait de tout cela.


L’éducation familiale, qui jusque là était dispensée presque indistinctement aux filles et aux garçons, devenait carrément séparée. Le jeune garçon allait dans le sillage de son père qui l’initiait aux travaux masculins et aux obligations socio-familiales. La fille, à côté de sa mère, apprenait les travaux ménagers et entrait dans une période de préparation intensive au mariage. Elle était en outre initiée petit à petit aux secrets des femmes, comme l’utilisation des charmes, et devait veiller scrupuleusement à sa virginité. Elle était obligée, de par la coutume, à se soumettre à un rite primordial, à savoir : le gukuna, c’est-à-dire l’allongement des nymphes. Selon A. Bigirumwami (1964, p.126), les fillettes commençaient le gukuna dès l’âge de 6 à 8 ans. Cependant le début du gukuna pouvait aller jusqu’à 11-13 ans pour les retardataires.


[Tiré du livre de Gaspard Musabyimana, « Pratiques et Rites sexuels au Rwanda », Paris, Editions L'Harmattan, ISBN:2-296-01087-3192, juillet 2006].

 

 

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