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2 janvier 2010 6 02 /01 /janvier /2010 15:41

La pratique du gukuna consistait pour une fille, à s’étirer les petites lèvres vulvaires jusqu’à ce qu’elles atteignent la longueur rituelle.


Les objectifs du gukuna

Le gukuna était d’abord un moyen d’insertion sociale. Il permettait à la fille de s’intégrer dans le groupe des «socialement admises » de son âge. Car le gukuna se faisait en groupe et deux par deux. Il fallait que la fille trouve le groupe dans lequel évoluer car l’exercice était relativement de longue haleine. Il est évident que cette aide mutuelle, Femme-causette.JPGdans des matières profondément intimes, était un début d’une amitié solide et qui pouvait durer toute la vie. En se livrant à la pratique du gukuna, la fille apprenait à être responsable. La famille et l’entourage l’appréciaient à sa juste valeur en la qualifiant de «fille de cœur : umukobwa w’umutima ». Sinon elle était marginalisée par ses compagnes qui la traitaient de tous les noms. Sans les ce rite, la fille ne pouvait pas trouver un fiancé. C’était une honte pour sa famille qui n’avait pas su faire d’elle un membre de la société à part entière. Non seulement une telle fille pouvait provoquer le malheur ou même la mort de son futur mari mais aussi elle pouvait être nocive pour son entourage. Sa négligence devait entraîner la catastrophe des êtres et des choses. Elle constituait un danger pour les semences, la récolte et les troupeaux. Elle était considérée comme source de diminution (atera itubya) des biens de son futur mari.

Dans des conditions normales, il était plutôt rare que l’on constate cette «tare » si tardivement. En effet, à la veille du mariage, la grand-mère devait vérifier l’état des petites lèvres de sa petite-fille. Le mari qui était tombé sur une fille avec des nymphes non-développées ne tardait pas non plus à envoyer des signaux de protestation à sa belle-famille.

Les petites lèvres étirées constituaient une sorte de parure intime, «un habit de la femme » (umwambaro w’ababyeyi). Après l’accouchement, il était aménagé pour la femme un lit à même le sol à côté d’un grand feu. La femme devait réchauffer «les organes internes de son ventre » traumatisés par l’accouchement. Pour ce faire, elle devait s’asseoir devant ce feu, toute nue, les jambes légèrement écartées. Si elle était surprise dans cet état par un intrus, celui-ci ne pouvait pas la voir «jusque dans le ventre » (kumubona mu nda imbere) car elle était vêtue. Autrement dit, les petites lèvres jouaient le rôle de sorte de «rideaux » pour voiler l’entrée du vagin.

L’allongement des petites lèvres était un des rites de préparation au mariage. Il était fait par la jeune fille pour apprêter son sexe à la satisfaction de son futur partenaire sexuel. Les lèvres vulvaires développées jouaient  le rôle de conservateur de la chaleur nécessaire  lors du coït.

Dans la tradition, une des méthodes de faire des rapports sexuels était le kunyaza (littéralement faire provoquer des sécrétions vaginales). La fille devait avoir un sexe développé qui s’y prête, c’est-à-dire avec des petites lèvres débordant la fente vulvaire. On disait d’ailleurs qu’un tel sexe avait des «oreilles » (ibitwi) et était très apprécié par les hommes. Par contre une vulve sans petites lèvres développées était comparée à une simple incision (ururasago) ou au sexe d’une petite fille (agatuba k’uruhinja).
Le but recherché ici en faisant le gukuna était de marquer une nette différence entre le sexe d’une petite fille et celui d’une jeune fille prête à se marier.

Il était communément admis que la fille n’ayant pas procédé au gukuna devait avoir des règles douloureuses, voire même corrosives. Celles-ci pouvaient la blesser ou blesser son futur mari lors des rapports sexuels.
L’allongement des petites lèvres était pour la fille une façon d’obtenir la jouissance. En effet, la zone sur laquelle portait la pratique est très érogène.


Le début du gukuna
Dans certaines familles, le gukuna commençait très tôt. Mais la société traditionnelle avait fixé des balises pour faire respecter les règles de cette coutume. C’est dans les groupes des égaux que débutait le gukuna, d’abord par simple imitation, puis par nécessité. Cet éveil dictait à la mère, à la grand-mère ou aux tantes maternelles ou paternelles de livrer le secret à la fille et de l’encourager dans cette entreprise.
Quand il y avait éclosion et durcissement des seins (amabere apfunduye) et que les premiers poils de pubis commençaient à pousser, la fille devait se livrer intensivement à la pratique du gukuna.
Les filles cherchaient ainsi régulièrement des occasions d’évasion dans la nature. En groupe, de préférence pair, et dans un endroit discret, elles s’adonnaient au gukuna en suivant ce qu’elles avaient entendu de leurs grandes sœurs ou des conseils leur prodigués par l’un ou l’autre membre de la famille, de sexe féminin.

  Le gukuna et le matériel utilise

 Le matériel auquel on recourait pour l’opération du gukuna était très varié et il n’était pas choisi au pur hasard. C’est la loi de l’analogie qui intervenait. Le beurre tout neuf sorti directement de la baratte était pour que les filles deviennent douces au toucher. Pour que les petites lèvres soient souples et se prêtent à la manœuvre. La chauve souris était employée pour que les lèvres se déploient à l’image d’une chauve-souris suspendue les ailes étendues (ngo bicurame). L’escargot pour que les nymphes répondent facilement à l’excitation, qu’elles augmentent de volume lors de la tumescence et aient une sensibilité comme les antennes de l’escargot. La salive et le suc d’igitenetene pour la viscosité, pour une sécrétion abondante des glandes vaginales. L’arbuste igishikashike (du verbe : gushika = faire venir) était utilisé pour trouver facilement un mari, le souci avec sa fleur rouge pour que la fille ait ses règles. Quant au suc des feuilles de tabac, il était utilisé pour irriter les nymphes, les faire gonfler et ainsi faciliter leur prise dans la manœuvre dugukuna.

 La pratique du gukuna était quotidienne. Dans l’impossibilité de répondre au rendez-vous du groupe, la fille se massait au petit matin en profitant de la chaleur du lit ou le soir après avoir bu et mangé car «c’était le moment propice à la croissance des petites lèvres ».
Les interdits dans le gukuna 

 Le gukuna ne se pratiquait pas en plein soleil. Il fallait aller à l’ombre (à l’intérieur d’une case, tout prêt d’un buisson...) ou alors attendre le crépuscule. Sinon «le soleil brillerait dedans et les petites lèvres se raccourciraient au lieu de s’allonger : rimwakiyemo, yagwingiza, ntagwize ; en se couchant, le soleil pourrait en outre partir avec celles-ci : izuba ryarenga rikarengana nayo [imishino] ».

Durant le gukuna, une fille ne pouvait pas toucher au sel de cuisine car ses petites lèvres risqueraient de fondre comme du sel en contact de l’eau, de se détacher (yacika) ou même de se carboniser.

  Après la séance du gukuna, la fille ne pouvait pas se laver car ce serait inhiber le développement de ses nymphes. Elle se nettoyait les mains avec le suc de certains arbustes. Si elle ne les trouvait pas, il était conseillé de laisser.

  Deux sœurs ne pouvaient pas mutuellement se tirer les petites lèvres. La fille cadette ne pouvait jamais regarder les petites lèvres de son aînée car elles se rétréciraient. L’endroit où les filles avaient élu domicile pour le gukuna était tenu secret. Car il suffirait que des gens malveillants y roulent la pierre ronde lisse qui servait de marteau (intosho) ou le coussinet (ingata), pour qu’elles soient frappées de stérilité irréversible.
Les mensurations
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La fille devait régulièrement prendre des mesures de ses petites lèvres pour voir si elles se développaient normalement. La longueur exigée par la coutume était la seconde articulation du médius. Les petites lèvres étirées selon les normes atteignaient trois ou quatre centimètres de longueur chez les filles rwandaises.

Il fallait bien prêter une attention particulière à ces mensurations car il ne fallait pas que les nymphes soient trop courtes ou trop longues. Les petites lèvres vulvaires n’ayant pas atteint la longueur rituelle exposaient la fille aux moqueries de ses compagnes. Trop développées, elles étaient dites : « des lèvres qui touchent dans l’anus : imijabannyo ; des nymphes qui happent les excréments humains : imijabamabyi ; des ficelles pour attacher la chèvre : ibiziriko by’ihene ou des nymphes qui se vautrent dans la merde de leur propriétaire : rwiziringa ».

 

Gaspard Musabyimana
02/12/2010

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